par Dan Albertini
Le dix sept juillet prochain clôturera onze ans depuis que j’avais publié un article sur un artiste haïtien du nom d’Anioclès Grégoire, sur un réseau d’information canadien. Juillet 2003 précédait ainsi donc ce qui allait se passer
après décembre de la même année. Et, par la suite, a chute de la Maison Aristide à Port-au-Prince. Je concluais ainsi : << c’est un dossier à suivre, 17 juillet 2003. Voici le texte intégral que m’a remis l’artiste lui-même.
L’histoire a depuis tous les temps fait vibrer les amateurs, les consommateurs mais surtout les artistes. Si la vie de ces derniers pour la plupart est le reflet d’émotions intenses, leur œuvre n’en demeure pas moins extravagante et parfois provocante. La vie et l’œuvre de Picasso pourrait en témoigner. Certains de ses travaux contribuent encore à alimenter l’histoire de l’art. Si sa célébrité n’est pas accorder à tous, certaines intrigues contribuent souvent à nourrir l’histoire de l’art de certains artistes. Elles deviennent anecdotiques. C’est sans malice ni lien direct que j’évoque le nom de Picasso à travers ces lignes. Cependant, la relation de cet article avec Picasso se tisse sur les notions de peinture, de sculpture. Anioclès Grégoire, sans le vouloir, a rejoint l’histoire de Picasso en rajoutant une autre corde à son arc. La femme.
La sculpture, travailler le bronze, la peinture, en fait la plastique sont les principaux éléments qui remplissent la vie de cet artiste d’origine haïtienne. Son mal qu’il doit supporter comme la plupart de ses pairs haïtiens, c’est le mépris et l’incompréhension de ses concitoyens tandis que ses œuvres sont vendus et appréciés dans les milieux ‘’blancs’’. Anioclès vit et vibre dans les sarts. Il se définit beaucoup plus comme un chercheur qu’un artiste. On découvre le buste de plusieurs personnalités haïtiennes dans son atelier. La tête de Dany Laferrière au milieu des anges en bronze coulé. Il croit avoir trouvé sa voie. Il a peur du mot création qui revêt trop de responsabilités dit-il. C’est un défi quotidien ? Cependant, il développe sa propre esthétique. Il ne nie pas qu’il s’inspire de l’Art africain mais, explique que son travail renferme du primitif et des éléments modernes. C’est un mélange équilibré qui lui permet de marquer la temporalité en prévention à l’oubli. Soit un symbole, soit une figure ou mélange passionné des deux. Il parle de mémoire et pige directement dans le contemporain pour promouvoir sa culture. C’est surtout la touche de l’artiste qui l’emporte dans la préparation et la présentation de son travail. C’est dans ce contexte qu’il planifie un arbre généalogique peu ordinaire. Un bronze de 25 pieds dont les branches seraient porteuses de têtes plutôt que de feuilles. Une famille culturelle. La finalité de sa démarche s’exprimera sur une toile qui dit-il lui permet d’introduire un fond. Dans la peinture, c’est un autre support qu’il s’offre. Mais, qu’en est-il du public, quelle est sa perception ?
Anioclès ne démord pas. Sa prise est bien réelle pour lui. Il propose. Cependant, il veut vivre avec la critique, c’est l’indifférence qui l’ennuie. Il vit d’arts et d’intrigues. Son projet pour le bicentenaire de l’indépendance d’Haïti l’a poussé vers une stratégie de marché qui absorbe beaucoup d’argent dit-il. Il doit maintenant chercher de l’aide un peu partout. C’est le masque de Coupé Cloué, un chanteur haïtien décédé qu’il a voulu immortaliser, qui servira de support marketing pour sa campagne de financement. C’est aussi ce masque qui lui a valu des commentaires désobligeants. Anioclès raconte qu’un autre artiste lui aurait fait savoir que c’était plutôt son autoportrait qu’il avait réalisé. Il s’étonne mais l’assume. Il raconte. Si les critiques sont parfois irritantes comme celle-ci, d’autres sont plus sympathiques malgré le caractère intime de l’affaire. Un admirateur lui aurait fait savoir que sa copine aurait été modelée par ses mains de sculpteur. Tout un compliment lorsqu’on considère le côté plastique. C’est avec un petit sourire pincé que l’artiste accueille cette remarque. C’est comme pour dire que Picasso en a vécu beaucoup plus que lui. Quand on considère l’étendue de ses projets, la portée de ses ambitions dépasse le raisonnement d’un simple artiste. Anioclès Grégoire aurait-il l’intention de rejoindre le niveau d’un Picasso ? C’est un dossier à suivre.
Pourquoi reproduire ce texte aujourd’hui ? D’abord, Anioclès voulait immortaliser Dany Laferrière en lui réalisant un buste. Anioclès avait été encore plus loin dans son projet d’artistes à honorer sur le Champs de Mars. Il voulait réaliser aussi un bronze de Martelly qu’il avait rencontré et moulé à Montréal. Le projet avorta puisque la politique de l’époque rejeta l’idée d’un Martelly président, véhiculée par l’art d’Anioclès. Vision d’artiste, l’avenir a validé sa démarche artistique. Il y eut un président Martelly. Vision prémonitoire même. Il y a de cela peu, que je publiais sur la notion d’effigie, en évoquant Martelly et sa gang en rose. Nous n’avons rien contre l’individu, mais c’est la loi, contrairement à cette démarche artistique qui visait un autre artiste. Je ne fais non plus dans la propagande, d’ailleurs le buste n’est de mon creuset. Je reviens avec cet article car, après huit ans, j’ai revu cet artiste de grande valeur. J’ai voulu saluer son art. Comme en 2003, point.
Merci d’y croire !