Tout un programme ce titre du livre de Colette Ouzilou qui apporte un vent de fraicheur dans la réflexion sur les causes réelles de l’épidémie de dyslexie qui envahie depuis quelques décennies les statistiques scolaires et les esprits de nombreux élèves et de leurs parents.
Colette Ouzilou est une orthophoniste qui en 40 ans d’exercice a reçu des centaines d’enfants “mauvais lecteurs” dans son cabinet. Parmi ces enfants à peine une vingtaine était dyslexique. “En 1968, je rééduquais essentiellement des enfants souffrant de retard de langage, de bégaiement. Mais, au début des années 70, j’ai vu apparaître la première vague de lecteurs défaillants, et, depuis, leur nombre n’a fait qu’augmenter” témoigne-t-elle.
L’auteur décrit les processus qui ont conduit l’institution scolaire à abandonner et délégitimer la méthode analytique et imposer la méthode semi-globale d’apprentissage de la lecture depuis les années 70 et offre un éclairage lucide des racines idéologiques de ce phénomène.
Renoncer à la méthode analytique qui apprend à l’enfant à reconnaître les lettres et construire des syllabes puis des mots, c’est oublier que la connaissance se construit. L’enfant ne peut comprendre les règles qui régissent la lecture et l’écriture si l’on ne lui donne pas les moyens de reconnaître les lettres, et l’on ne lui explique pas les règles permettant de rassembler les lettres en syllabes afin de construire des mots.
Colette Ouzilou montre comment les méthodes globales d’enseignement de la lecture ont conduit à la rapide augmentation des difficultés scolaires et des troubles d’apprentissage et comment l’école étiquette des enfants sur la base de comportements provoqués par le mode d’enseignement lui-même.
Si 20 % d’enfants mal-lisant, en âge scolaire sont considérés comme étant dyslexiques, parmi ces enfants seuls
1 à 2 % le seraient en réalité.
Les 18-19 % d’enfants en échec scolaire à cause de difficultés en lecture et orthographe sont
les victimes de l’enseignement global introduit dans les années 1970.
La méthode semi-globale d’apprentissage de la lecture ne passe pas par la phonétique mais invite l’enfant à essayer de reconnaître des entités de manière globale, visualisant les mots sans identifier les lettres.
Colette Ouzilou démontre la responsabilité de cette méthode dans l’augmentation explosive du nombre d’enfants mal-lisant.
Les croyances créent les réalités
Bien que sur 20 enfants considérés comme étant dyslexiques 19 enfants ne le soient pas, la croyance dans le phénomène “dyslexie” comme explication des difficultés scolaires se généralise rapidement jusqu’à devenir une épidémie.
La tendance à évoquer des facteurs génétiques lors de difficultés en lecture et/ou en écriture provoque le désarroi des familles et les conduit souvent à consulter divers spécialistes et à soumettre l’enfant à des tests, évaluations et consultations chez médecins, orthophonistes, logopédistes, psychologues, conseillers scolaires et coach avec des résultats variables, sauf un élément qui est acquis d’emblée à savoir que tout ceci va faire douter l’enfant de ses capacités, va compromettre sa spontanéité et ébranler sa confiance en soi provoquant chez lui démotivation et peur de l’école.
Étiqueter un enfant comme étant dyslexique, va non seulement le faire souffrir et le fragiliser
mais empêchera également que l’on trouve les vraies raisons de ses difficultés puisqu’elles sont expliquées par sa supposée dyslexie.
Les tests, comme des photos instantanées, reflètent les capacités de l’enfant à un moment donné de son histoire mais prétendent fournir une mesure valable de façon générale.
Pourtant on observe d’importantes fluctuations des performances de l’enfant selon la nature des tests, le comportement de l’observateur et la souplesse des approches d’investigation.
On peut facilement vérifier l’existence et la nature d’un trouble en observant l’enfant dans des environnements et encadrements pédagogiques différents et en comparant ses productions en tenant compte des différences entre ces encadrements pédagogiques, de la qualité de l’écoute et de la compréhension des difficultés spécifiques de l’enfant, de la volonté et de l’aptitude des maîtres à offrir un soutien personnalisé, encourageant et pragmatique.
Il est certes plus facile d’invoquer des facteurs génétiques dans l’étiologie de la dyslexie supposée que de mettre en place des mesures et des compétences pédagogiques adaptées d’autant plus que les explications biologiques sont plus facilement légitimées car donnent l’impression d’être scientifiques.
Le fait que la dyslexie se manifeste différemment dans les différentes langues et s’avère plus fréquente et plus handicapante dans des langues plus opaques, dans lesquelles le lien entre phonèmes et graphèmes est complexe, comme le français et l’anglais que dans des langues transparentes, dans lesquelles le lien entre phonèmes et graphèmes est simple, comme l’italien ou l’espagnol, nous amène vers des pistes autres que génétiques.
Il est surprenant de constater que face à l’impressionnante et soudaine augmentation du nombre d’enfants considérés comme dyslexiques l’idée de chercher des causes dans le système d’enseignement n’a quasiment pas été soulevée.
Devinez ce qu’ils avaient en commun Léonard de Vinci, Auguste Rodin, Gustave Flaubert, Hans Christian Andersen, Winston Churchill, Albert Einstein, Walt Disney, Steven Spielberg et Tom Cruise !
Ils étaient dyslexiques.
Judit Varadi
Colette Ouzilou, Dyslexie, une vraie fausse épidémie, Presses de la Renaissance
Colette Ouzilou, Dyslexique…vraiment ? Et si l’on soignait l’école ? Albin Michel