Selon le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, tous les signaux d’alarme, y compris celui d’une dimension de plus en plus ethnique de la crise, sont en train de virer au rouge. Au moins 130 personnes ont été tuées en décembre, » a-t-il indiqué. Soit le double du mois précédent. Selon l’ONU, au moins 439 personnes auraient trouvé la mort entre le 26 avril 2015 et le 14 janvier 2016.
Il aura fallu des mois de tergiversation à la Communauté internationale pour se mettre d’accord sur les mesures à prendre. Entre-temps, la médiation entreprise par l’ougandais Yoweri Museveni, nommé par la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est, n’a pas été conclusive. Elle sera toutefois maintenue, preuve s’il en était besoin que les membres du Conseil de sécurité naviguent à vue pour ce qui concerne le dossier burundais. Paris, qui dans un premier temps, avait déposé un projet de résolution qui faisait mention de sanctions contre les responsables burundais qui incitent à la violence, a dû le retirer, la Russie, le Nigeria, le Tchad et l’Angola n’étant pas d’accord. En novembre, soit sept mois après le début des violences, les membres du conseil adoptent une résolution demandant l’envoi d’un groupe d’experts et la préparation -dans les deux semaines à venir « d’options » dont le déploiement des casques bleus. Sans en référer auparavant à Bujumbura, qui bien entendu n’est pas d’accord. « Nous étions coincés. Nous avons fait appel à l’Union africaine en sachant que ça se solderait par un échec, » explique un diplomate. La médiation entreprise par l’ougandais Yoweri Museveni, et qui n’a pas été conclusive, est maintenue, preuve s’il en était que les membres du Conseil de sécurité naviguent à vue.
Samantha Power, l’ambassadeur des Etats Unis et présidente du Conseil pour le mois de décembre, entend prouver au monde qu’en cas de génocide, son pays a alerté la communauté internationale. Elle décide qu’une nouvelle mission de médiation des ambassadeurs est nécessaire. Le départ est prévu pour mi-décembre. En mars 2015 déjà, les membres du Conseil de sécurité -dont la France assure la présidence- se sont rendus à Bujumbura dans l’espoir de faire entendre raison au président burundais. Le Conseil a obtenu du gouvernement qu’il respecte la constitution. Une promesse que le président burundais n’a pas eu à renier puisqu’il n’a pas remanié la constitution. Il n’a pas, affirme-t-il, été élu au suffrage universel direct pour le premier mandat. Il considère que c’est un mandat technique. Il n’a été élu au suffrage universel que pour ses deux derniers mandats. Du point de vue juridique, son argumentaire se tient. La cour constitutionnelle lui a d’ailleurs donné raison.
Du 20 au 22 janvier, les membres du Conseil de sécurité, menés l’ambassadeur des Etats Unis, se rendront une nouvelle fois en mission de médiation au Burundi. Le président burundais, qu’ils rencontreront le 22, a finalement donné son feu vert pour les recevoir. Que pensent-ils accomplir ? « Ils veulent se rendre compte de la situation sur place. Ils veulent rencontrer les acteurs politiques ainsi que des opposants, » explique un expert qui ne cachent pas ses craintes sur ce que pourront voir les membres du Conseil qui seront sous la férule du gouvernement.
La mission de médiation des membres du Conseil, selon qu’elle réussira ou pas, devrait rapidement conditionner les prochaines étapes. Si elle échoue, que restera-t-il ? Un conflit dans cette partie de l’Afrique est très déstabilisateur. Par peur d’une menace rwandaise, l’Union africaine et les pays africains limitrophes font pression sur la communauté internationale pour qu’elle trouve une solution. Les africains du Conseil ne sont quant à eux ni mobilisés, ni d’accords entre eux. Si aucune solution n’est trouvée, le Rwanda pourrait être le premier pays à intervenir au Burundi.
Célhia de Lavarène
New York 18 janvier 2016