Interview d’Osman El Hajjé Vice-Président de l’Association Internationale IUS PRIMI VIRI
Pendant des nombreuses années vous avez dû le croiser dans les couloirs du Palais, toujours en train de marcher vite, presque de courir, d’une réunion à une autre. Docteur El Hajjé – car c’est son titre officiel – est docteur en droit et grand spécialiste des questions du droit international et des droits de l’homme.
Pendant des années, il représentait la Ligue des Etats Arabes dans les différentes réunions au sein de l’ONU et ses organisations internationales spécialisées. Depuis une année, il est le représentant d’une organisation non-gouvernementale qui s’occupe de l’éducation et en particulier de l’éducation relative aux droits de l’homme. Nous l’avons croisé à la Bibliothèque du Palais où il travaille souvent et nous avons eu la chance de pouvoir lui poser quelques questions sur ce qu’il fait actuellement. Laissons la parole au docteur El Hajjé… ;
Q : Pourriez-vous nous décrire votre parcours ?
- R : J’ai fait mes études à la faculté de droit de l’université de Genève et à l’Institut universitaire des hautes études internationales, envoyé par mon père qui appréciait les universités suisses. J’ai terminé mon parcours universitaire par un doctorat en droit de l’université sur l’arbitrage entre Etats et personnes privées étrangères et un diplôme d’études supérieures en relations internationale de l’Institut. La guerre civile au Liban m’a retenu à Genève où j’ai intégré la Mission permanente de la Ligue des Etats arabes en tant que diplomate et par ce biais j’ai suivi les multiples activités de l’ONU et ses institutions spécialisées comme aussi les activités humanitaires de la fédération des sociétés de la Croix-Rouge et croissant-rouge et le Comité international de la Croix-Rouge. J’ai pratiquement assumé le rôle d’ambassadeur car à un moment donné la Mission est passée par une période difficile suite au transfert du siège de la Ligue arabe à Tunis. De même, j’ai joué un rôle auprès des ambassadeurs arabes en Suisse à Berne. J’ai participé activement aux travaux qui ont abouti à la réforme de la Commission des droits de l’homme et son remplacement par le Conseil des droits de l’homme et ses différents mécanismes.
- En 1994, j’ai été élu membre de la Sous-commission contre la ségrégation et la protection des minorités où j’ai été son rapporteur et en 2009 j’ai été élu membre et vice-président du Groupe de travail du Conseil sur la protection contre la disparition forcée. A l’heure actuelle, je suis président du Centre pour les droits de l’homme de l’Université Jinane au Liban, représentant et vice-président de l’Association internationale avec statut consultatif auprès de l’ECOSOC IUS PRIMI VIRI à Genève notre siège est à Rome. Je suis membre de l’Institut international de droit humanitaire à Sanremo en Italie.
Q : Pourriez- vous nous parler de votre association ?
- R : Nous nous occupons spécialement des questions de l’éducation et plus particulièrement des questions relatives aux droits de l’homme. Nous considérons que l’éducation aux droits de l’homme est fondamentale pour former la personnalité de l’enfant au respect de l’autre et à l’exercice de la liberté. Quand quelqu’un vit dans une société, il doit et a le droit de savoir quels sont ses droits mais aussi quels sont les droits des autres, cette information doit être délivrée le plutôt possible de la vie, dès le moment où l’enfant commence à comprendre ce qui est mauvais et ce qui est bon. Notre organisation prête beaucoup d’attention à cette formation dans les écoles et les lycées, ainsi que dans les universités. Pour nous, le respect de l’autre est fondamental, une telle attitude permet d’éviter les conflits et d’assurer le maintien de la paix dans la société et à travers elle, la paix internationale entre les Etats.
- Nous organiserons lors de la prochaine session du Conseil des droits de l’homme une réunion parallèle consacrée à l’éducation et les problèmes liés à l’évolution de la Science et de la technologie. Comment nous pouvons agir pour saisir ces nouvelles technologies et avancer la cause de l’éducation des droits de l’homme pour tous et plus particulièrement dans l’intérêt des plus vulnérables d’entre nous. En effet, il est bien connu que dans toute nouvelle technologie il y a le côté positif et le progrès et le côté négatif avec le menace, nous voulons échanger avec des experts pour pouvoir avancer des idées à l’adresse du Conseil des droits de l’homme et de la Communauté internationale.
Q : Pouvez-vous nous donner d’autres exemples précis de ce que fait votre organisation ?
- R : Nous organisons dans la mesure de nos possibilités, des séminaires, et des rencontres entre spécialistes de l’éducation. Notre dernier séminaire a eu lieu en décembre 2016 à Tripoli au Liban au Centre des droits de l’homme de l’université Jinane, dont je suis le président, sur le thème ” Promouvoir, diffuser et approfondir la Déclaration universelle et les différentes conventions internationales des droits de l’homme”. D’autres réunions auront lieu avant la fin de l’année.
Q : Le Concept des droits de l’homme n’est-il pas un concept assez flou ?
- R : C’est parce qu’il est flou que tout une panoplie des droits ont été définis et développés et le champ n’est pas clos. Actuellement, à côté de la Déclaration Universelle de 1948, nous avons 9 conventions qui traitent des multiples aspects concernant la protection de l’être humain, droits civils et politiques, droits économiques sociaux et culturels, protection de la femme, de l’enfant, lutte contre la ségrégation raciale, protection des personnes vulnérables, des travailleurs migrants et de leurs familles, protection contre la disparition forcée, contre la tortue et le traitement inhumain et dégradant. Nous avons aussi des comités qui supervisent l’application de ces conventions, étudient les plaintes des particuliers et des Etats et élaborent des observations et recommandations à l’adresse des Etats. Vous voyez le champ est vaste mais, j’insiste, n’est pas clos.
Q : Est-ce que cela marche ?
- R : Les difficultés ne manquent pas, mais il faut être conscient que notre travail est de longue haleine, et il ne faut pas trop rêver, comme Il ne faut pas oublier que nous faisons face à des Etats qui ont des responsabilités multiples et doivent ménager leurs opinions publiques et leurs particularismes pour éviter les troubles et les violences, ce qui ralentit inévitablement le progrès. C’est pour cette raison qu’il faut toujours chercher le dialogue et le compromis qui nous rapproche du but à savoir la protection la plus vaste des droits de l’homme et l’universalisme de ces droits. Mais nous avançons quand même, et c’est réjouissant.
Q : Pour revenir à votre sujet, l’éducation et les technologies modernes. Comment ce sujet a été accueilli ?
- R : Nous avons déjà fixé la date pour le 12 juin et retenu une salle pour la réunion, plusieurs experts vont y participer et nous espérons aboutir à élaborer des propositions concrètes qui intéressent la Communauté internationale. Nous avons contacté plusieurs missions diplomatiques à Genève pour qu’elles envoient des participants et observateurs, l’écho était positif et nous sommes optimistes.
Q : Lorsque je vous entends parler, je sens une passion. Pourquoi est-ce que ce sujet vous tient tant à cœur ?
- R : Vous savez, je viens d’une région, le Moyen-Orient, où la souffrance est visible plus qu’ailleurs, pourtant la richesse ne manque pas pour assurer une existence paisible aux habitants. Ce qui manque, c’est une vision claire de l’avenir et une connaissance approfondie des relations internationales et des intérêts concrets des pays de la région et de ses habitants. Nous travaillons pour répandre les idées de liberté et du respect des droits qui sont au cœur de la culture de cette région depuis plusieurs milliers d’années, cette région a été le lieu de naissance du monothéisme, du Judaïsme, du Christianisme et de l’Islam, et nous ne pouvons pas nous dérober à nos responsabilités pour améliorer la situation et d’aller plus loin dans le respect et la promotion des droits de l’homme. Mes parents m’ont élevé avec la passion d’être au service de son prochain et du respect des autres, cela vaut la peine d’y être passionné.
Q : Quels sont vos projets actuels ?
- R : Notre organisation IUS PRIMI VIRI réponde toujours aux besoins du moment et à notre vision de l’avenir. Nous nous sentons tenus de contribuer à trouver des solutions aux problèmes de notre monde, dans ce but, la promotion et la diffusion des droits de l’homme sont prioritaires et indispensables et nous menons de façon permanente le dialogue nécessaire avec les autres organisations non gouvernementales pour élaborer des projets en commun et d’avancer dans les domaines qui nous tiennent à cœur.
Q : Trop de lois et trop de contrôle tuent l’individu, n’est-ce pas ?
- R : Mais les lois sont élaborées et appliquées pour protéger et encadrer l’activité des humains pas pour le contrôler mais pour leur faire prévenir les conséquences d’une activité en indiquant des repères de conduite. Dans une société de liberté, il revient aux citoyens de critiquer les lois quand elles ne répondent pas à leurs besoins et réclamer leurs abrogation, transformation ou modification. Dans une société de liberté, nous sommes guidés par les lois et rien n’est interdit à part faire mal aux autres, voler les biens des autres ou violer les droits des autres, c’est cela qui est interdit mais autrement nous pouvons tout faire en respectant une éthique qui est difficile à définir mais chacun d’entre nous peut la sentir.
Q : Je sais que vous écrivez un article. Sur quel sujet vous travaillez en ce moment ?
- R : Vous savez, l’adhésion aux conventions internationales des droits de l’homme par leur ratification se heurte aux particularités culturelles et autres particularités de certaines régions et pays, ce qui retarde leur application universelle. C’est un sujet compliqué qui a été abordé lors de la conférence mondiale de Vienne de 1993 en des termes peu précis. Je m’occupe d’étudier comment nous pouvons avancer malgré nos particularismes.
- En effet, notre conception du monde ne peut être qu’universelle, autrement c’est le retour des conflits et le choc des civilisations. Cela dit, l’inégalité de puissance entre Etats, l’effondrement d’autres Etats, le sous-développement, implique de notre part plus de solidarité et plus d’efforts pour faire accepter le renoncement au particularisme et l’acceptation de l’universalité des droits de l’homme.
Nous avons laissé Dr. El Hajjé retourner à ses préoccupations, comme tout le monde le voit, il travaille tôt et tard à la Bibliothèque du Palais. S’il y a une session du conseil des droits de l’homme vous le trouvez dans la salle du Conseil. Pour plus d’informations sur les questions de l’éducation et les droits de l’homme, nous vous invitons à prendre contact avec Dr. El Hajjé qui pourrait vous expliquer davantage.
Ekaterina Pinchevskaya