SUR LA ROUTE DU CINEMA Par Dan Albertini MONSIEUR HUMBERT. Un personnage français de la rue Bonne foi

Me. St. Léger est avocat. Noir, bedon protubérant, lunette à corde, son étude lui sert de domicile, à l’étage d’un édifice de la rue Bonne foi avec fenêtre sur rue du Peuple. Son voisin immédiat, M Humbert a le ventre flanqué dans le dos. Blanc, coiffure soignée avec huile brillantine Roja flore bleue saphir. La fragrance accompagne l’eau de parfum couleur verveine, Danger des Laboratoires Garnier. Les deux personnages se coiffent d’un chapeau, faciès et posture guère semblables, sinon un point commun. Ils se lavent avec un litre d’eau dans une bouteille FACILE. Celui-ci paraît d’une gentillesse, grâce à son élégant accent parisien, tandis que celui-là est traité de grossier par Gladys, la mère de Sandra, qui elle, est l’épouse de Guy, petit-fils de général. Guy a une maitresse à Petit-Port vers le Sud. Ce monde se croise au quotidien, rue Bonne foi, un peu plus haut que la Loterie Nationale. Il va falloir convoquer la toponymie pour comprendre. L’histoire se déroule à une époque charnière de la révolution du 7 février. Les ombres battent les ondes de vitesse. Le film.
La rue Bonne foi croise la rue du Peuple au bas de la grande Cathédrale. Elle est le grenier littéraire des écoles, tout le monde y vend et achète des livres. On risque de racheter son livre qui avait été volé. Du bureau de Gladys à l’étage, on a un accès visuel tout le long, plus loin que la rue du Centre. C’est de là qu’elle espionne, soit Frédérique le garagiste qui lui remet les mêmes pièces usées, soit Polémon de l’agence pharmaceutique du même nom quand il rentre de nouveaux produits, soit Tardieu le libraire tout au bout ou quand il tarde à signer le pro forma de sa commande, l’imprimeur côté rue du Peuple, pour ses cartes d’affaires trop cher. Jean-Claude Villedrouin, pour sa commande d’ails chinoise. Elle quitte tard le soir, par la droite en empruntant l’escalier qui refuse la direction des toilettes à un niveau d’un pallier plus élevé. Me. St. Léger ni M Humbert ne lui échappent pas, ni à ses invectives. Politiques sur le coût de la vie ou, sarcastiques sur son chapeau city feutre laine, M Humbert tente souvent de lui échapper mais sans succès. Il lui faut alors une vieille histoire. Elle tient ce côté fouineur d’un mélange galipea. Mère irlandaise, père mulâtre, de son divorce d’Archer, d’un Rouzier, de son admiration pour Nourri Ménard, de ses critiques vrillées de jalousie pour Castera qui dit-elle, a épousé une sainte nitouche, mais mégère. Le reste n’est que détails.
M Humbert, pingre et peint dans le détail par Gladys. Elle, agent de manufacture mais, politicienne cachée, du nom de code 2Paul Marie Irlande de la villa Mimosa. Dans le relief de la cachette de Riobé à Pellerin, de l’affaire du même nom. Elle se coiffe aussi de cette autre histoire, révolutionnaire celle-ci. Elle a connu les armes par la grâce de ce cousin J.J. Odin, ami d’enfance de ti Tom Villemenay. Sa dernière carte de fouineuse, c’est Démé son gérant de cour qui va voir ce qui se passe chez le colonel, près de son domicile sur la ruelle Vaillant. Démé lui rapporte les changements de garde autour du président.
Gladys est donc fouineuse par nature ou par défaut de célibat de femme abandonnée. Elle pratique un métier très rare, héritage de son père, c’est-à-dire représentant commercial d’entreprises étrangères. Elle a ainsi le nez à la banque, dans toutes les banques, au ministère du commerce, même au service des contributions où grouillent une meute d’affairistes de toute sorte, porte d’entrée de fonctionnaires au maigre salaire. Son malheur, elle tombe en état pour plus jeune que son âge, de là, tester de plus en plus jeune, jusqu’à se fracasser sur un cas qui lui infligea la triste vérité : trop vieille pour moi. Elle faillit y attraper la rage, tellement furieuse, mais elle avait déjà trop dit sur M Humbert et sur la famille du président.
Un soir, elle quitte le bureau en compagnie d’Esther la copine d’un directeur d’école secondaire et de Jean-Claude Lindor qui est comptable de jour chez Villedrouin, comptable de soirée à l’autre bureau de la rue Bonne foi où il se plait entre : roupiller, évoquer par la rose croix ou chasser les démons qui le hantent dans ses décennies de fantasmes sur Gladys. M Humbert arrive subitement avec une pointe de vin dans le nez. Les nouvelles sont mauvaises pour demain. Il y aura des arrestations durant la nuit, le monstre montrait ses cornes dit-il de bonne foi et de bonne source. Esther commença à crier, Jean-Claude Lindor voulu passer la nuit au bureau, au risque de ne trouver un taxi pour le lendemain, Le président aurait fait comprendre que le fils du tigre en est aussi un. Basta la tolérance. M Humbert pensa, tout haut, pour la première fois : << je vais partir Gladys >>.
Me St. Léger est plutôt du genre chapeau Teton Trilby coton, mais sa face trop large, des joues charnues mal rasée, laisse l’impression d’une serre sur un crâne épais grisonnant. Sa voix enrouée ne trahissait pas un langage soigné pour élocution différente. Il savoure les mêmes interrogations quand il croise miss Jardine, une femme âgée qui enroule ses seins pour faire deux petites boules dans son soutien gorge. Il lui est définitivement antipathique. Me St. Léger est très instruit et fort argumenté quand il plaide au tribunal, bien avisé dans la pratique du droit. Le flair d’un politicien aussi malgré lui, mais aucune rue ne portait son nom, comme la ruelle Jardine du défunt mari de miss Jardine, la tante de Gladys. Ou la ruelle Odin. Ni d’études numismatiques qui lui vaudrait une effigie ancestrale sur ½ escalin d’argent. Mais c’est un bagarreur intellectuel qui a pris trop de poids par la faute des menus tardifs de la place-bas-cathédrale. Me St. Léger venait de se soulager plus haut que les quatre escalons, non pas un pas feutré mais le poids de toute cette chair, descendit discrètement, longea le couloir devant les bureaux fermés, attendit. On l’entendit convoquer M Humbert en bon voisin de palier. Gladys démarra la Fort Pinto couleur acajou foncé, disparu par la rue des Miracles. Ça lui porterait chance de faire le signe de la croix en passant par devant le saint Martial. Paris risqué, il lui fallait mesurer l’atmosphère 18° 32′ 35.18″ Nord avant de monter. La voiture disparue une dernière fois, dans un noir épais, en arrière des Casernes. Fin !
Le film est-il pour vous une affaire de mœurs, de toponymie, politique, de couleur, ou, sur M Humbert, un étranger qui a perdu le chemin du retour de son pays la France ou, s’était égaré en chemin post colonial pour ne plus repartir ? C’la me donne personnellement un frisson dans le dos car je suis un grand voyageur. Et, je n’ose m’imaginer dans le rôle de M Humbert. Car, voyez-vous, il y a toujours là, un œil de la caméra, une fouineuse comme Gladys et un avocat comme Me. St. Léger, mais, qui partira trouver sa fille au Canada. Merci d’y croire !
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