J’ai soulevé dans ‘’Le voleur de bicyclette’’, en 2011, ce coup d’œil italien qui est en soi du cinéma. Je me suis toujours posé la question sur ce qui ferait de nous Haïtiens, un être de cinéma. Un sujet pour le cinéma. Nous sommes tellement passionnés de 7ième art, peu importe la raison, le mauvais sort n’a définitivement pas la légitimité de nous en écarter. Quand Belmondo tournait sa scène de cascades dans le Vieux-Montréal au Canada, non loin de la rue St. Pierre, une réplique du Pont Jacques Cartier en prime, j’ai tout fait pour obliger le plateau envers moi. La caméra ne m’avait évité certes, mais le montage m’avait tout simplement amputé du décor. Alors que je faisais savoir à tout le monde que j’y serais lors de la projection au ciné Capitol à Port-au-Prince. Niet, rien de cela. Déception. Bon Haïtien que je suis, je me voyais déjà sur le grand écran. Démarrer une carrière, comme Belmondo, comme Delon. J’y étais encore à chercher jusqu’en fin de semaine, ce qui pourrait m’imposer. Nous imposer aux producteurs, car je visais tout ça pour Haïti. Basta, fini l’attente, Les Brésiliens, plus précisément à Salvador da Bahia, chez eux, on nous interprète. Sur scène. Grâce au Compas ! Un peuple d’acteurs disponibles en ce sens, hop là les budgets.
Si vous parlez de la culture haïtienne à Etzer Brédy, un Haïtien vivant à Montréal, c’est avec un visage de chien de faïence, mais abattu, qu’il vous dira dans le genre : ah mon cher, nous sommes perdus ! L’affaire se passe seulement au niveau de la taille, au bas de la ceinture. C’est tout ce que nous savons faire, poursuivra-t-il ainsi : une autre génération de perdue et, le Blanc nous regarde patauger dans notre marde, c’est triste. Les phrases longues mais entrecoupées de regards interrogateurs en quête d’approbation, Brédy est grand de taille. Il aime l’écriture, était animateur d’émission de radio, mais danse le compas comme tous les Haïtiens. Son ennemi juré : des téléséries américaines : Top Modèle, Dynastie, Les Feux de l’amour, etc. Des briseurs de foyers finira-t-il par offrir en conclusion. S’il n’était un ami, j’oserais un peu : un masochiste culturel névrosé. L’Haïtien de la fantaisie musicale du compas est donc pour lui une perte totale. Il n’est pas sociologue mais, fait dans le moraliste. C’est à son crédit. Psirico étonnera-t-il Etzer Brédy aujourd’hui, il danse, interprète les Haïtiens au Compas.
La mise en scène. Attention aux puritains et aux prudes ! Ce sont les ‘’yayades’’ haïtiens (twister la hanche) dans l’essence et, les ingrédients qui le produisent comme émotion. Sensation préfèreront d’autres. La recette : lyrisme, musique, mimique, lexique. Verdict : procès gagné. Le chanteur, la danseuse, baiser mouillé sur scène. Pas le french kiss, non, à la manière haïtienne. Le costume fait foi, le public crie !
L’entrée en scène. Le parler brésilien, Psirico attaque directement le public et accueille la danseuse, costume léger, nudité de la Samba. Les Haïtiens se croient samba africains d’ailleurs. Les choristes soutiennent le chanteur (lead vocal), les figurants l’accompagnent. Le clavier. Des notes aigues, il livre une musique haïtienne, pure compas. Psirico devient pédagogue, il interpelle le public qui rentre dans’l jeu, collé serré. La danse du ventre est invitée, comme on dit chez les ruraux du Canton de Vaud. L’indécence n’est pas citée, malheureux Brédy. L’impudicité non plus.
J’ai déjà vu des Belges tenter de danser sur les ailes du compas haïtien, croyez-le c’est beaucoup d’efforts mais, un désastre esthétique. À Montréal, le Québécois s’envoie dans tous les sens sauf dans le bon sens, dirait ma nouvelle copine. L’Américain ou le Jamaïcain n’arrivent pas à se détacher de Michael ou, de Bob. Le Dominicain finit par tomber dans le Meringue. L’Africain lui-même, hormis l’Ivoirien, il se croit obligé de faire comme s’il cultivait la terre ou semait… . Cependant, Psirico a interprété dans ao vivo em Salvador 2010, cette danse haïtienne comme un acteur professionnel interprète sur un plateau de tournage pour le cinéma. Voici le lien d’ailleurshttp://www.youtube.com/watch?v=L0Wo…. Il a réussi malgré un zest samba.
L’Amérique du Sud aimait spécialement le cinéma sur l’art, le Brésil en particulier. Mahaléo par exemple est une coproduction de Cesar Paes, sur des artistes malgaches engagés. Entre parenthèse, sa femme est-elle encore malgache. Mais, l’engagement politique étant éphémère, avec l’âge d’une génération, Mahaléo s’est arrêté. Juste là.
L’affaire du compas (phénomène haïtien spécifique qui a même porté un artiste au pouvoir politique à Port-au-Prince) dont je parle n’est encore transportée sur les scènes d’un plateau de tournage à Hollywood. Ni la mimique haïtienne en soi non plus. La danse compas contrairement à Mahaléo, est la passion partagée d’un peuple distinct, même en dehors du pays hôte. Dira-t-on que c’est la nouvelle émigration haïtienne vers le Brésil ou, la découverte des Brésiliens engagé dans la MINUSTAH, je l’ignore à ce stade-ci. Bref, poursuivons ! Le Blues a connu ses voies dans le cinéma (Taj Mahal, The road to Memphis). Le Rock aussi (Elvis Presley, Festival de Woodstock), sans oublier la danse disco (John Travolta, Thank God it’s Friday) et même le Hip Hop (Eminem, Beat Street). La route du cinéma n’est par définition fermée à personne. Il faut cependant exister.
Psirico. Est-ce alors un pacte qui engage de manière irréversible ou définitivement et, invite les autres dans le genre Compas ? Ou, est-ce un gage qui orientera l’Haïtien sur la route du cinéma comme un être à interpréter ?
Dans un sens comme dans l’autre, c’est une réponse à tant de questions, car Psirico récidive à la Muquifest 2011 (Wet’n Wild). À la mienne, une réponse certes, peut-être à la vôtre aussi ! Merci d’y croire
lovinsky2008@gmail.com