Joaquin Rodrigo traverse l’histoire de la musique espagnole tel un prince visitant ses propres jardins. Il n’est pas fortuit qu’il fut élevé par Juan Carlos au rang de Marquis des jardins d’Aranjuez en 1992, tant sa créativité nous interpelle. Rodrigo a écrit l’histoire de son pays à sa manière. Une page empreinte de noblesse et de nostalgie. Sa musique consacre une remarquable constante : évocation, élégance et beauté. Et dire que la lumière qui émane de cette musique a marqué son temps et le nôtre ne donne pas la mesure de ce créateur hors pair. Son premier succès universel, Concierto de Aranjuez, 1939, premier concerto pour guitare et orchestre, l’installe définitivement dans l’Histoire. Ce poème musical cache cependant une œuvre riche en images, en émotions et en poésie. Concierto Madrigal, 1967, un voyage riche en nuances, couleurs et mélodies. Dans la même année le Concierto Andaluz voit le jour : une des plus élégantes œuvres musicales de tous les temps, une réflexion inédite sur l’endroit, la nostalgie et le temps qui passe. Imprévisible, un brin de mélancolie traverse nombre de ses œuvres, se détache dans Concierto Serenata, 1952, œuvre téméraire où la harpe remplace la guitare. Cette mélancolie silencieuse vient curieusement se nicher dans une des ses œuvres les plus festives, Concierto para una fiesta, 1982. Peut-on décrire Rodrigo et son œuvre ? Vaine tentative. Réécoutons-le. Nul parmi ses contemporains n’a su rendre l’Espagne musicale aussi splendide, aussi vibrante. L’œuvre de Rodrigo est un espace où le souvenir jaillit, lumineux, vivace, perpétuel.
Rodrigo, aujourd’hui et demain
Difficile de concevoir la musique espagnole du XXème siècle sans évoquer l’œuvre de Joaquin Rodrigo. La Fundación Victoria y Joaquin Rodrigo, présidée par Cécilia Rodrigo, fille unique de l’illustre défunt, perpétue et l’œuvre et la mémoire de l’artiste. Une compétition internationale voit le jour à Madrid à intervalle régulière récompensant des jeunes talents dans les disciplines de la guitare, le piano et le violon, offrant ainsi au monde les virtuoses de demain. La Fundación édite les œuvres du Maitre, organise et participe aux événements nationaux et internationaux qui mettent en lumière les inédits de Rodrigo à ses débuts, la dimension créative et académique de ses œuvres et la trajectoire qui a fait de lui l’un des musiciens majeurs qui ont contribué au patrimoine culturel de l’humanité.
« Je pense que ma cécité m’a donné une plus grande connaissance du monde intérieur. /… / J’ai plus de souvenirs auditifs que visuels. Je me souviens du chant des grillons, des cigales, le martèlement des vagues, le son de l’orgue et des cloches de l’église de ma ville natale.
Alex Caire, poète et critique littéraire francophone d’origine égyptienne
