Depuis quelques années, les relations entre la France et l’Onu ont changé. Et les critiques se font nombreuses : « La France n’a pas de véritable politique d’influence. C’est dommage, car cela lui permettrait d’avoir du poids sur l’échiquier politique mondial, » déplore un expert politique : « Elle considère qu’avoir un siège permanent au Conseil de sécurité assorti du droit de veto est suffisant. » Ils sont nombreux à penser que le Quai d’Orsay devrait sensibiliser ses ambassadeurs sur la nécessité de faire du lobbying. A part Hervé Ladsous, qui a rang de Secrétaire-général adjoint et préside aux destinées du Département des opérations du maintien de la paix (DPKO), la France ne détient pas de postes stratégiques au sein du Secrétariat. En 2015, elle détenait 17 postes de haut niveau (D1, D2, ASG et USG) contre 24 pour la Grande-Bretagne et 50 pour les Etats Unis. « Les questions d’influence et de représentation de la France à l’ONU sont un des axes prioritaires, » affirment pourtant les diplomates de la Mission française.
Cette même politique d’influence permet aux américains, aux britanniques, aux russes, aux japonais, aux allemands et depuis peu aux chinois, de placer leurs hommes à un certain nombre de postes clés. « Il n’est pas nécessaire d’avoir un poste de Chef, s’impatiente Hervé Ladsous pour exister au plan international. En Côte d’Ivoire, au Mali, en Centrafrique, nous avons le poste de Chef d’état major. Ce n’est pas le poste le plus visible, mais c’est un poste important car le Chef d’état major voit tout passer. Avoir un général 3 ou 4 étoiles qui parade en tête de l’opération, ça rend fier, mais ce n’est pas le plus important. Cela est vrai dans beaucoup de départements. Avoir des directeurs ou des directeurs adjoints, ceux qui instruisent la politique, c’est ce qui compte. »
La France, qui fut pendant longtemps perçue comme la voix intermédiaire et de réconciliation, n’est plus aujourd’hui perçue comme telle. Parmi les reproches faits aux français, certains sont récurrents: ils ne sont pas des communicateurs ; ils sont intéressés par la francophonie, mais ne font rien pour l’imposer ; on les voit très rarement dans les think-tank ou dans les centres de recherche, là où se préparent les futures missions.
« Les français ne sont plus ni des leaders. Ils sont devenus des suiveurs,» affirme un diplomate occidental qui admet cependant que c’est la France qui a poussé à la réforme du maintien de la paix, pour l’intervention des casques bleus au Congo et pour la création de la brigade d’intervention. On lui doit la mise en place de l’opération de maintien de la paix au Mali, -une collaboration DPKO/Union Africaine-. La mission en RCA, pour laquelle tout le monde arguait qu’il n’y avait pas d’accords de paix, mais risque de génocide, l’intervention de la force Sangaris, suivie d’une mission de la paix, c’est à la France qu’on le doit. Au cours des 8 ans passés à la tête de DPKO, Hervé Ladsous a fait entrer le département dans le monde de la technologie. Grâce à lui, le maintien de la paix s’est doté d’équipements ultra modernes, dont des drones. Il a fait revenir au sein des opérations du maintien de la paix des pays européens, dont les britanniques, les hollandais, les suédois et les danois. Pour ses supporters, « il a repoussé les limites du département. Il est proactif. »
Les français seraient-ils devenus les mal-aimés d’une Organisation qui ne tolère que ceux qui savent imposer leurs vues ? Affaire à suivre.
Célhia de Lavarène, février 2016