Le 13 novembre 2012, le président Hollande affirmait : “ en aucun cas la France n’interviendra elle-même au Mali. ». Des propos réitérés quelques jours plus tard par Laurent Fabius, le ministre des Affaires Etrangères. Certes et on nous l’a maintes fois répété, le but est d’aider le Mali à lutter contre le terrorisme et à recouvrer son territoire tombé aux mains des rebelles. Mais quels sont les intérêts nationaux français dans tout cela ?
Le gouvernement français a beau affirmer qu’il n’a pas « l’intention de se substituer à quiconque mais seulement d’aider le Mali à recouvrer son intégrité », d’aucuns mettent en doute la véracité de ses déclarations surtout lorsqu’il affirme que le Mali a demandé l’envoi de troupes étrangères. De quel Mali parle-t-on ? Le gouvernement malien est divisé, l’armée est divisée, le peuple est divisé. « Il est évident que personne n’a envie d’avoir des forces étrangères sur son sol. Encore moins une force de l’ONU avec tout ce qui en découle et que j’appellerais pudiquement, les dommages collatéraux, » confirme un diplomate africain.
La France n’a pas eu d’autres options que de déployer son armée avant que tous les postes stratégiques ne soient occupés par les terroristes : il fallait empêcher Al-Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi) d’élargir sa zone d’influence. Les africains de l’ouest n’avaient aucune envie d’avoir « les fous de Dieu » chez eux. Il fallait aussi et surtout sécuriser la zone par rapport à l’Uranium au Niger. Sans uranium, plus d’électricité en France.
« Aucune politique n’est dénuée d’intérêts économiques. La réalité est que tous les pays africains vivent dans la hantise d’une déstabilisation en provenance du Mali et qu’il faut bien considérer que la force africaine toute seule, ne se mettra jamais en place, même si on lui donnait dix ans pour le faire. L’autre réalité, c’est que les « Djihadistes » avaient commencé à consolider leurs positions dans le Nord et que la classe politique est très divisée au Sud, » explique un diplomate africain.
La tâche s’annonce d’autant plus ardue, qu’il s’agit d’un conflit intercommunautaire dont pâtissent les Touaregs auxquels il faudra donner des gages politiques pour leur permettre de participer effectivement à la police du désert pour pacifier cette région qui englobe 70% du territoire malien. Le règlement du conflit ne pourra se faire qu’à l’échelle régionale.
Alors que le conseil de sécurité s’apprête à accéder à la demande du Mali d’aider l’armée malienne à reconquérir les régions du nord occupées, force est de constater que si tous les Etats africains ont fêté le cinquantenaire de leur indépendance, ils sont peu nombreux ceux qui, après cinquante ans d’indépendance, ont réussi à mettre sur pied une armée républicaine. « Chaque année, on procède à des recrutements au sein de l’armée sans jamais se poser la question des moyens de combat et autres équipements nécessaires à l’accomplissement de cette mission de défense. Si la victoire d’une armée dépendait du nombre de militaires mobilisés sur le front, cela se saurait, » estime un ancien diplomate africain. « Il est cocasse de constater que plus de 50 ans après les indépendances, l’Afrique applaudit à une intervention de l’armée française sur une partie du continent, comme c’est le cas au Mali. Et cela, parce que nous avons refusé de jouer le rôle qui est le nôtre. Alors qu’hier nous nous plaignions de l’immixtion de Paris dans les affaires intérieures, c’est nous qui en sommes actuellement les demandeurs. Quelle drôle d’indépendance ! » Dit-il amer.
Aujourd’hui, il est de bon ton d’invoquer le manque de moyens pour expliquer la déroute des armées nationales africaines, d’autant que les rebelles, qui bénéficient de la complicité de puissants réseaux, sont souvent mieux équipés et disposent d’armes plus sophistiquées. Pourtant, il serait réducteur de se cantonner à cette seule explication pour expliquer la défaite du gouvernement malien face aux terroristes.
« Il sera difficile, affirme-t-il de former une armée qu’on n’a pas réussi à former au cours des cinquante dernières années. Le multipartisme a permis à l’ethnicisme et au tribalisme de rebondir plus que jamais. Aujourd’hui, le socle de tous les partis politique repose sur l’ethnie et non sur une vision ou sur des valeurs partagées. Le nombre de partis politiques dans les pays africains correspond plus ou moins au nombre des ethnies, et cela fragilise d’autant plus le poids de la nouvelle génération des présidents africains, qui se voient obligés de former des gouvernements pléthoriques, en donnant des postes à des partis qui se sont associés pour les faire élire au second tour des élections. Les présidents sont obligés de gérer leur pays en faisant, selon la formule diplomatique italienne, « des convergences parallèles. »
La question qui se pose maintenant est de savoir comment l’intervention militaire va pouvoir ramener la démocratie, l’ordre et la paix dans un pays en proie aux conflits politiques depuis des années. Et comme dans toute guerre, ce sont la sécurité et les droits des civils qui sont menacés. Plus de 200,000 personnes ont déjà fui leur maison depuis le conflit qui sévit au Nord du Mali.
Célhia de Lavarène