Pour ceux qui le connaissent, les traits tirés de Kofi Annan, qui en direct de Genève s’exprimait devant un parterre de journalistes mardi 8 mai, n’augurait rien de bon. C’est presque d’un ton las qu’il a dévoilé que le gouvernement syrien ne respectait pas ses engagements. Quelques instants auparavant, c’est par vidéoconférence qu’il informait les membres du conseil de sécurité sur sa périlleuse mission. Un rapport qualifié par Sir Mark Lyall Grant, l’ambassadeur britannique, de « sombre » pour ne pas dire pessimiste.
Selon l’émissaire de l’ONU et de la ligue arabe « Il y a eu une réduction des activités militaires, mais il y a encore de sérieuses violation du cessez-le-feu et le niveau de violence et d’abus des droits humain sont inacceptables. » Car en dépit d’une légère baisse de l’utilisation des armes lourdes dans les zones où les observateurs sont présents, aucun des engagements pris par le gouvernement syrien sur l’application du plan de paix en 6 points, n’a été respecté à ce jour.
« Ce plan reste pour l’instant l’unique chance de stabiliser le pays, a affirmé Kofi. S’il venait à échouer, ce serait tragique non seulement pour la Syrie, mais pour toute la région, pour des raisons évidentes de géopolitique. J’attends des suggestions. S’il y a de meilleures idées, je serais le premier à les saisir. »
Kofi Annan espère que la présence des 300 observateurs militaires et civils de l’ONU –dont le déploiement devrait s’achever à la fin du mois, aura un impact plus important et fera la différence. Pour l’heure, une centaine d’observateurs devrait poser le pied sur le sol syrien vers la fin du week end. Ce que confirme Hervé Ladsous, le patron des opérations du maintien de la paix. Actuellement 61 observateurs militaires sont en Syrie, répartis dans 6 endroits. Ils devraient être une centaine à la fin de la semaine. Des observateurs auxquels Kofi Annan a tenu à rendre hommage. « J’ai dit aux membres du conseil combien je suis fier de mes collègues sur le terrain. Ils font montre d’un courage incroyable. »
« Les violences doivent s’arrêter, a répété Kofi Annan avant d’appeler une nouvelle fois le gouvernement et l’opposition à mettre un terme aux tueries : « Il doit être parfaitement clair que nous devons nous assurer que tous les aspects du plan en six points sont mis en œuvre, afin de créer un environnement propice au dialogue politique. »
Un appel auquel le président syrien resté sourd. mercredi 9 mai, une explosion s’est produite au passage d’un convoi de l’ONU composé de quatre voitures transportant 13 observateurs, dont le général Mood et le porte-parole Neeraj Singh. Jeudi 10 mai, des attentats ont eu lieu à Damas faisant plus de 50 morts et 372 blessés.
« Il est très difficile de convaincre le président syrien », admet l’envoyé spécial conjoint. Un coup rude pour celui qui, en 1998 avait réussi à stopper l’invasion américaine en Irak et obtenu du président irakien qu’il accepte le retour des inspecteurs de l’USCOM sur les sites.
Célhia de Lavarène, Nations Unies, New York
10 mai 2012